Oubliez la page d’accueil pour décrire toute l’info, pensez simplement à LA question du moment. « Pourquoi les Républicains, soudain, se mettent-ils à parler des inégalités ? » ; « Faut-il acheter ou louer » ; « 255 infographies pour comprendre ce que la récession a fait à notre économie ». Un titre, un angle, c’est d’abord une question simple ou un besoin de clarification. C’est un peu ça, le credo de l’équipe de The UpShot, et pour l’instant, ça marche plutôt bien.
En un peu moins d’un an, les 17 journalistes (« agiles » numériquement) rassemblés au sein du service appelé The UpShot, placé au cœur de la transformation du New York Times, ont su glaner 5% du trafic total de la maison. Né en avril 2014 et piloté par David Leonhardt, ancien chef du bureau de Washington pour le journal, The UpShot part d’une analyse simple. Les journalistes, pour ce qui concerne l’économie, la politique ou la vie de tous les jours, ont peu ou prou les mêmes sources que leurs lecteurs. En revanche, on n’a pas tous le même savoir-faire pour expliquer.
Dès avril 2014, David Leonhardt mettait en avant les deux raisons motivant le lancement de l’expérience The UpShot :
- Dans un monde à la fois complexe et surinformé où, pour finir, personne n’y comprend rien, il est déterminant de savoir expliquer clairement les choses (ou de permettre au lecteur de les expliquer à sa grand-mère). Pour ce faire, quoi de mieux qu’un ton franc, direct, comme si nous tentions de convaincre un ami par email ?
- Dans un environnement bombardé de chiffres et de données (« data »), il s’agit de s’appuyer, tant que faire se peut, sur tous ses éléments factuels pour conforter, confirmer, ou simplement donner à voir, via un graphique, le pourquoi du comment d’une histoire. Et si les jeux (de données) sont ouverts, la discussion peut s’engager.
So what, pensez-vous ? Comme le soulignait Mark Wilson dans un article publié sur FastCoDesign, en un certain sens, rien de nouveau sous le soleil. Vox.com existe depuis moins d’un an, et c’est déjà un carton d’audience (avec ses cartes, ses listes, et ses sujets expliqués pas-à-pas). Et nombre de médias s’efforcent de renouveler leur offre en proposant, précisément, des modules d’explication de l’actualité.
Mais à l’intérieur d’une maison comme le NYT, ce n’est pas qu’une innovation éditoriale, c’est aussi une façon de montrer, en interne, qu’il est possible (sinon nécessaire) de repenser l’alchimie d’un article (pour mieux repenser le périmètre des compétences journalistiques). A quel moment faut-il publier un long article de 1000 mots (3, 4 ou 5 feuillets) ? Ne faut-il pas, parfois, penser autrement son récit (en associant des mots et des choses) ?
En matière de métamorphose d’une newsroom, le combat est double : si le lecteur répond présent à une nouvelle façon de « fabriquer des histoires », le journaliste ne peut pas se permettre de lâcher l’affaire (a fortiori quand les caisses de la rédaction sont vides). Il se doit de persévérer. Réinventer l’information, c’est bien évidemment renouveler la pratique journalistique (son périmètre de travail, sa mission, ses compétences clés).
Un petit tour d’horizon semble d’ailleurs confirmer le mouvement : que ce soit avec le Storyline du Washington Post (pour rester aux Etats-Unis) ou les Décodeurs du Monde (pour revenir en Europe), il semble bien que la transformation des rédactions passe notamment par ces leviers d’innovations éditoriales concrets s’intégrant progressivement au cycle de production de l’information. Au fond, on n’a plus le choix. Il faut continuer de monter des pilotes pour faire pivoter les paquebots.
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