Et si les journalistes de Libé s’étaient trompés de mot ? Ils ont écrit “Nous sommes un journal” suscitant l’incompréhension chez nous qui constatons un peu plus chaque jour que se définir comme un “journal” revient à revendiquer l’attrition de son audience.
Il y a, certes, le souvenir nostalgique du café du matin que l’on boit en terrasse avec son journal, mais il reste difficile de mesurer ce qui nous manque le plus du papier imprimé ou des années qui se sont enfuies.
Et si les journalistes de Libé s’étaient trompés de mot. Sans doute voulaient-ils écrire: “Nous sommes une rédaction”. Une rédaction, c’est à dire un collectif animé d’une même ambition et partageant les mêmes valeurs, un groupe acharné à mener les combats qui lui semblent essentiels, une équipe en connexion avec la société dans laquelle elle évolue.
Si les journalistes de Libé avaient écrit “Nous sommes une rédaction”, peut-être pourraient-ils envisager leur avenir comme la rédaction du Christian Science Monitor aux Etats-Unis. Le quotidien de qualité vieux d’un siècle est devenu, il y a 5 ans, un site web d’information accompagné d’un magazine hebdo.
Qu’est-ce qui a changé ? La réponse de John Yemma, le directeur de la rédaction: “La vitesse. Tout va vraiment plus vite. Nous étions un journal avec un site web, et ce site était plutôt bon. Mais quand vous mettez le site web en priorité, vous apprenez toutes les bonnes pratiques du journalisme en ligne –et c’est culturellement difficile- vous apprenez comment faire les choses plus rapidement.”
En accomplissant sa mue, le Christian Science Monitor est passé de 90 à 78 journalistes. Moins de personnel du côté de la fabrication papier et plus sur le web. Et quand on lui demande ce qui a été le plus difficile au cours de ces années, le patron de la rédaction qui est lui-même un vétéran du papier répond simplement: “l’acculturation de la rédaction.”
Si nous avons créé Médiacadémie, c’est que nous sommes convaincus de l’avenir des journalistes et des rédactions s’ils savent embrasser la culture du web. Bonne lecture.
Philippe Couve, Damien Van Achter, Cédric Motte, Cyrille Frank
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