Pour le rédacteur en chef chargé du numérique au Guardian, fermer les commentaires sur les sites d'information est une "erreur monumentale", alors même que, toujours selon lui, l'interaction avec l'internaute est une "énorme ressource que nous ignorons largement". "Le journalisme doit être une conversation", a expliqué Aron Pilhofer à Londres début février 2015 à la conférence news:rewired.
Pour lui, ce qui fait le succès de Buzzfeed ou Upworthy, c'est justement le lien avec l'audience, et la finesse de la connaissance qu'ont ces sites de leurs lecteurs, de leurs utilisateurs. "Nous devons devenir plus pointus dans nos mesures et nos analyses", conseille-t-il. The Guardian dispose d'ailleurs d'un outil de mesure maison : Ophan. Ophan donne un accès direct aux journalistes à ce qu'ils doivent savoir, notamment sur les conversations autour de leurs articles sur les réseaux sociaux.
La question des commentaires, des conversations et de leurs usages par les rédactions est centrale. Le repli sur soi et la fermeture des commentaires un aveu d'échec. D'aucuns cherchent d'autres solutions, tentent des expériences. Alors que The Guardian place le lecteur au cœur de sa stratégie, notons l'exemple récent de L'Avenir, qui a réalisé 8 pages à partir des réactions de ses lecteurs suite à un documentaire sur le chômage, ou encore celui de La Voix du Nord qui a lancé un débat hebdomadaire sur Facebook, repris sur son site. Modeste, peut-être, mais facile à mettre en œuvre pour que le commentateur se sente valorisé.
En matière de gestion de commentaires, Tablet Magazine a fait parler de lui en mettant en place une offre à 2 dollars la journée permettant aux lecteurs de lire et ajouter des commentaires sur le site. Valorisation sonnante et trébuchante du commentaire, cette fois. Pour Alana Newhouse, éditrice de ce magazine culturel, citée par Les Inrocks, cette nouvelle norme vise à rehausser le niveau de politesse des commentaires.
“Internet […] pose le défi de la discussion civilisée et constructive, en permettant parfois à des individus – souvent anonymes – de les rabaisser avec des injures (et pire). Au lieu de supprimer la section commentaires (comme certains commencent à le faire), nous allons essayer autre chose : demander à tous ceux qui veulent commenter de payer des frais – moins un « paywall » qu’un geste pour la cause de bonnes conversations”.
Marchera ? Marchera pas ? A suivre. Le plus sûr moyen de dégoûter l'internaute comme le journaliste des commentaires étant de les ouvrir et de ne rien faire d'autre. La moindre des choses est de regarder attentivement ailleurs quelles sont les pratiques innovantes.
Liens :
- Aron Plhofer à news:rewired
- Les commentaires payants sont-ils la solution pour lutter contre les trolls ? (Les Inrocks)
- Tablet Magazine