“Au bon endroit, au mauvais moment...” Présent à l’aéroport de Bruxelles le 22 mars, David Crunelle a pu témoigner des attentats mais aussi des excès de la “collecte médiatique” à l'heure de la course aux vidéos amateurs. Ce directeur artistique d’une agence de com’ a filmé quelques secondes avec son smartphone dans le hall de l’aéroport juste après les explosions. Il fera l’objet, dans les heures qui suivent, d’une sollicitation impressionnante.
“De l’Australie à la Chine, du Brésil au Danemark, par centaines je reçois des emails, messages privés Twitter, et même Facebook et WhatsApp. Une situation absolument ingérable. Plus de 10.000 notifications sur mon téléphone en une heure, avec ça, des illuminés du Djihad, des petits fascistes détournant des infos, des faux journalistes, des trolls et puis surtout… des demandes teintées de jargon juridique.”
David décrit le “manque d’élégance”, l’”agacement”, “l’insistance hallucinante” dont font preuve certains de ses interlocuteurs. Des "gens” n’hésitent pas à contacter des clients de son agence pour essayer de récupérer son numéro de GSM. La cession des droits de diffusion vidéo à CNN - contre 1,500 euros au bénéfice des victimes de l’attentat - lui vaut des reproches. On lui propose de voir comment casser son contrat d’exclusivité.
"A vomir", commente David, qui compare l’expérience a “un redoutable media training", diversion provisoire à son propre traumatisme. Elle dévoile aussi l’envers du décor d’un phénomène relativement récent, celui de la course aux contenus utilisateurs (user generated content) à laquelle se livrent les médias, chaines d’info continue en tête mais pas seulement.
“Tous les grands médias ont désormais une cellule consacrée à la veille sur les réseaux sociaux”, explique le magazine "M" du Monde dans un article sur le sujet. Des agences comme l'Irlandaise Storyful se sont même spécialisées dans ce travail de repérage à vitesse virale.
Pour le meilleur: la collecte et la vérification de vidéos témoignant de la guerre en Syrie dans des endroits que des reporters pros ne peuvent pas couvrir. Et pour le pire: la traque à distance aux images exclusives, sans considération pour les témoins et les victimes.
Les liens