Cet édito concerne l’un des médias les plus puissants des Etats-Unis. Ce n’est pourtant qu’un petit pavé de quelques centimètres carrés niché en haut de la colonne de droite pour les internautes américains qui utilisent Facebook sur leur ordinateur.
Baptisé « Trending », ce petit pavé est supposé mettre en avant, depuis 2014, les infos les plus lues et partagées sur le réseau social par ses 167 millions d’utilisateurs américains.
Le site Gizmodo et The Guardian ont révélé que la sélection d’articles affichée ne devait pas tout aux algorithmes qui font théoriquement la pluie et le beau temps chez Facebook. C’est une petite équipe d’une douzaine de jeunes journalistes issus des meilleures universités américaines qui met à jour 24h/24 cette sélection.
Mais ce n’est pas tout. Cette équipe de journalistes doit se baser sur une liste de 10 médias (BBC News, CNN, Fox News, The Guardian, NBC News, The New York Times, USA Today, The Wall Street Journal, Washington Post, Yahoo News or Yahoo) pour décider si une information doit être déclarée d’importance nationale.
Cette procédure « manuelle » qui vient s'ajouter au "travail" des algorithmes a donné lieu à une accusation de parti pris politique, Facebook étant soupçonné de minimiser les sujets conservateurs et donc de privilégier les sujets démocrates en pleine campagne présidentielle américaine.
Le réseau social a démenti toute volonté de masquer les informations supposées être favorables aux Républicains mais au terme de deux semaines d’enquête interne, Facebook précise «nos investigations n'ont pas permis d'exclure la possibilité que des actions isolées déplacées ou qu'un parti pris involontaire pèsent sur l'application de nos consignes». Une sorte de demi-aveu.
De notre côté, nous retiendrons deux leçons de cette affaire:
• il est essentiel pour les journalistes d’enquêter sur les algorithmes (ou prétendus tels) pour savoir s’ils délivrent bien les résultats qu’ils sont supposés offrir ou au contraire s’ils tentent de nous influencer indument;
• finalement, le fait que Facebook doive se reposer sur une équipe de journalistes qui elle-même se base sur le travail d’une dizaine de grands médias qui emploient des milliers de journalistes est sans doute une bonne nouvelle… pour les journalistes.
Liens:
- Former Facebook Workers: We Routinely Suppressed Conservative News (Gizmodo)
- Facebook news selection is in hands of editors not algorithms, documents show (The Guardian)
- Algorithms, clickworkers, and the befuddled fury around Facebook Trends (Nieman Lab)
- Facebook nie tout parti pris politique mais revoit ses pratiques (Le Monde)