Haro sur Facebook ! Coup sur coup deux articles placent le premier réseau social mondial dans le viseur des médias. C’est The Guardian, qui désigne la création de Mark Zuckerberg comme ennemi numéro un du journalisme. Et c’est Eric Mettout de L’Express qui rêve d’un boycott de Facebook. Deux signaux sans lien qui disent le mal que peuvent penser les médias de ce qui est devenu leur principal pourvoyeur de lecteurs, peu ou prou.
The Guardian répertorie d’abord les critiques qui sont faites à Facebook. C’est une multiplication de liens vers des prises de positions étayées face aux choix éditoriaux du réseau social.
Et le clou est enfoncé par l’auteur de l’article, Roy Greenslade :
“The logical conclusion to that process is not only the destruction of old media, legacy media, mainstream media, whatever you want to call it, but the end of journalism as we know it.”
“La conclusion logique de ce qui se passe n’est pas seulement la destruction des vieux médias, des médias de masses, quelle que soit la façon dont on les appelle, mais la fin du journalisme tel qu’on le connaît.”
Et d’y voir le potentiel d’une déstabilisation de la démocratie.
Le lendemain de la charge du Guardian, Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L’Express, publie sur son blog ce billet titré : “Et si nous boycottions Facebook ?”. Dans son collimateur, la haine qui sévit sur le réseau, et l’impossibilité d’y gérer convenablement les commentaires :
“puisque Facebook ne veut rien faire, pas même nous fournir des outils pour une modération plus efficace, qu’il le revendique au titre de sa prétendue neutralité d’hébergeur, si nous nous passions de Facebook?”
Un “rêve”, avoue-t-il. Mais le simple fait que la question se pose…
Bref, Facebook est autant un problème, si ce n’est beaucoup plus un problème, qu’une solution. Une solution qui fait qu’on ne parle plus de Google News. Mais qui pousse les médias à commencer à se demander comment réagir. Trois solutions semblent possibles pour éviter les commentaires nauséabonds, la mort du journalisme et la fin de la démocratie. Pour sauver le monde, quoi. Et ces trois solutions ne s’excluent pas l’une l’autre.
Quelles solutions ?
La première a déjà fait ses preuves lorsqu’il a fallu contrer l’hégémonie de Google : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Résultat, les œufs se sont retrouvés dans le panier Facebook. Il faut réitérer l’opération : Twitter, Snapchat, Instagram. Mais l’on courra toujours de panier en panier, en suivant les internautes là où ils vont.
La deuxième est de demander, plus ou moins poliment à Facebook de modifier ses façons de faire. Le boycott étant une des formes d’action pour y parvenir. Le lobbying une autre. Une troisième voie étant de faire confiance aux utilisateurs, voire de les affranchir du mieux possible sur ce qui se passe : l’utilisateur a toujours raison. S’il fait pression (en quittant le réseau social pour aller voir ailleurs, par exemple), Facebook cherchera des solutions. Parce que ce sera devenu son intérêt.
Dernière option, réussir, enfin, à proposer une expérience utilisateur qui concurrence Facebook, et les autres. Trouver le moyen que les internautes soient mieux sur les sites des médias qu’ailleurs. Reconquérir la distribution des contenus en offrant aux lecteurs les fonctionnalités qui lui conviendraient. Retrouver la maîtrise des communautés. Plus facile à dire qu’à faire. Mais c’est la seule solution totalement viable. Trop tard ? Utopique ? Est-ce une raison pour arrêter de chercher ?
PS. Cette newsletter de rentrée voit l’équipe Médiacadémie s’agrandir un peu en accueillant Pauline Amiel, doctorante qui travaille sur les journalistes en presse locale et qui est actuellement installée à Seattle aux Etats-Unis. Bienvenue à Pauline !